Services publics locaux : l'évaluation développement durable au service du choix entre régie et délégation de service public

Publié le par Roland BRANQUART

J'ai choisi  aujourd'hui de publier un article de réflexion de Michel M. VITAL-AÊT, consultant en développement durable des territoires et des organisations au sein d'Arcet Notation, agence de notation extra financière. Le document rédigé par Michel VITAL-AÊT est consacré à l'évaluation des services publics et fait suite à une conférence donnée par l'intéressé à un public d'étudiants d'école supérieure de commerce. Il traite d'une question qui est au coeur de l'actualité dans les collectivités territoriales. Un courant d'idées très perceptible chez les élus locaux actuellement incite au retour à la régie d'activités de service public jusque-là déléguées à des entreprises privées. Le phénomène touche d'abord les communes et communautés d'aqgglomération gérées par des exécutifs PS-Verts, mais il concerne aussi des collectivités gérées par la majorité présidentielle. La question ne semble donc pas exclusivement idéologique, mais trouve son origine, s'agissant des communes, dans la volonté des maires, soucieux de compenser les pertes de compétences générées par les créations de communautés d'agglomération, par le retour à des modes de gestion municipale des compétences restées communales permettant au citoyen de mieux identifier le rôle et les choix des Premiers magistrats et de leurs municipalités. Michel VITAL-AÊT traite la question avec pertinence. Sa contribution mérite d'être lue attentivement.          Roland BRANQUART 

 

 

Les élections municipales de mars 2008 ont mis en valeur l’importance du débat sur les modes de gestion des services publics locaux (eau, assainissement, transport public de voyageurs, éclairage public, chauffage urbain, parcs de stationnement, collecte et traitement des ordures ménagères, etc.).

 

Beaucoup de nouveaux maires et présidents de communautés d’agglomération ou de communes ont exprimé leur volonté de mettre un terme aux délégations de service public par lesquelles des entreprises privées se voient confier la gestion d’un service public local, ou, à tout le moins, de faire réaliser des audits ou évaluations des conditions techniques et financières d’exercice par des entreprises privées de ces services publics locaux.

 

Au-delà des choix idéologiques et des convictions de chacun portant sur le principe même de déléguer ou non à une entreprise privée l’accomplissement de missions de service public telles que la production et la distribution d’eau potable, des décisions importantes de collectivités territoriales ou établissements publics locaux ont fait évoluer significativement le paysage des modes de gestion locaux des grands types de services à l’usager.

 

Ainsi, la ville de Paris, mais aussi la communauté d’agglomération de Rouen que préside l’ancien Premier ministre Laurent FABIUS ont-elles par exemple déjà mis en œuvre le retour en régie de la gestion de la compétence eau potable (au 1er janvier 2010), la ville de Toulouse ayant pour sa part annoncé par la voix de son maire, au terme d’un audit, sa décision de mettre un terme à la délégation à une entreprise de la gestion de ce service à horizon 2020.

 

De même, une grande ville française gérée par l’UMP, qui avait de très longue date délégué la gestion de son service de restauration scolaire s’apprête-t-elle, semble-t-il, à rapatrier celle-ci dans le giron municipal sous la forme d’une régie. Une autre, de taille similaire et de même obédience politique, a-t-elle depuis plusieurs années déjà décidé le retour en régie municipale de son service de restauration scolaire (le Havre).

 

A l’inverse, de nouveaux secteurs de délégation de service public semblent s’ouvrir aux entreprises privées et connaître des développements significatifs, comme par exemple la gestion de structures d’accueil de la petite enfance (crèches et halte-garderies), où le nombre de sociétés prestataires spécialisées croît au fil des années.

 

Dans le même temps, l’évolution des technologies, l’effort de R&D consentis par les grands groupes industriels français spécialisés dans les services à l’environnement tels que Veolia, la SAUR ou Suez, ont contribué à faire évoluer, tant dans les entités publiques que dans les entreprises, le niveau d’exigence et de qualité dans la fourniture aux usagers des services publics de prestations facturées, via des abonnements ou via l’application de taxes spécifiques.

 

L’arrivée, depuis une dizaine d’années désormais,  sur le marché du travail, de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur spécialisés en génie de l’environnement et ingénierie de projets environnementaux ont accru en outre cette évolution qualitative, grâce à leur recrutement tant par les collectivités elles-mêmes que par les délégataires de service public.

 

Aussi, l’observation, par les analystes objectifs que sont les consultants des agences de notation extra financières et des organismes de certification, mais aussi de structures ad hoc consacrées à la mesure de la performance en ce domaine comme Service Public 2000 a-t-elle permis de constater ce phénomène d’élévation de la qualité des prestations fournies, quel que soit le mode de gestion choisi par les dirigeants territoriaux.

 

Des délégations de service public offrant des exemples de bonnes pratiques territoriales avérées ont fait l’objet d’expertises indépendantes démontrant leur efficacité et leur fiabilité. Il en va de même pour des régies, exemplaires par leur qualité et leur transparence de gestion, leur degré de performance technologique et en développement durable, qui constituent elles aussi des cas reconnus de réussite : Besançon et sa régie de production d’eau potable, allant jusqu’à l’embouteillage d’une eau de qualité commercialisée, celle de Tours dans le même domaine de compétences, celle de Boulogne-Billancourt s’agissant de la régie de restauration scolaire.

 

Quelle que soit leur étiquette politique, des maires et présidents d’agglomération ont fait le choix de changer radicalement, dans un sens ou dans l’autre, de mode de gestion  (du tout public au tout privé, en passant par des solutions mixtes qu’offre notre système juridique) et se portent garants du niveau de performance offert à leurs concitoyens, consommateurs de bien et services relevant de la responsabilité des exécutifs locaux.

 

Ces élus et leurs administrations éprouvent de manière croissante le besoin de mettre en place, en interne et/ou avec l’assistance d’organismes spécialisés, des outils de mesure et de suivi ainsi que des dispositifs de contrôle rigoureux applicables au suivi des conditions d’exécution des prestations fournies par leur gestionnaires de services publics.

 

Au demeurant, une analyse rétrospective des contenus de procédures d’appels d’offres ou de délégations de service public effectuée par nos soins sur une période de 2 années (2008 et 2009) met en valeur l’apparition récurrente, dans les cahiers des clauses techniques particulières ou dans les cahiers des charges de délégations de service public de spécifications portant sur l’intégration de normes de développement durable, dont la prise en compte par les gestionnaires de services publics doit permettre de sécuriser les process de production, de mieux préserver la santé de nos concitoyens, de limiter l’empreinte carbone de ces activités ou d’identifier les mesures de compensation d’émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent, par exemple.

 

Les agences de notation extra financières telles qu’Arcet Notation se situent au cœur de ces nouveaux enjeux de gestion puisqu’elles ont pour vocation de comparer, au regard d’indicateurs de développement durable, les niveaux de performance des régies et des délégations de service public, de coter celles-ci, et, sans prendre part au débat « idéologique » sur le choix du mode de fourniture des prestations, de verser au dossier de l’analyse comparée d’autres éléments que les seuls éléments financiers, capitaux certes, mais non suffisants pour éclairer les dirigeants territoriaux dans ce choix.

 

En effet, outre l’examen des variations de prix que le mode de gestion en régie est susceptible de générer au bénéfice des usagers ou abonnés par rapport aux délégations de service public, comme l’affirment, non sans être contestés par les représentants des délégataires, les tenants du système de la régie, il paraît important de faire attester par un organisme indépendant de la collectivité ou de l’établissement public la qualité de gestion en régie, au regard d’indicateurs de développement durable.

 

Or, ce sont les délégataires de service public qui ont les premiers pris l’initiative, depuis trois ans, de faire réaliser des évaluations globales, au regard d’indicateurs de développement durable, accompagnées de notations extra financières ou de certifications, leur gestion de services publics locaux. Veolia, SAUR, Avenance Enseignement, la Compagnie Française des Transports, SADE et bien d’autres ont par exemple commencé à soumettre leur gestion de délégations de services publics à de telles évaluations, en sus des certifications de type ISO auxquelles elles se soumettent déjà.

 

Les élus locaux partisans du mode de la régie vont nécessairement s’engager progressivement dans ce type de démarches. Pourquoi ?

 

1-   pour faire pièce aux critiques véhiculées par les partisans du système de gestion déléguée à l’entreprise, qui soutiennent non sans arguments que des groupes privés spécialisés dans les services à l’environnement disposent de savoirs faire et de moyens techniques et humains et de potentiel d’innovation garantissant une meilleure exécution du service public, et donc, une meilleure prise en compte d’objectifs de développement durable ;

 

2-   pour  affirmer au contraire que des personnels municipaux ou communautaires disposent de la capacité, du niveau de  formation, d’une aptitude à l’innovation technologique au moins égale à celle offerte par les entreprises spécialisées ;

 

3-   pour mettre en valeur la transparence de gestion d’un service public assumé en régie par rapport à un service public assumé en délégation de service public, qu’ils jugent moins aisée à garantir à leurs concitoyens. Dans ce dernier cas, la recherche de profit par le délégataire peut certes conduire à un déficit de transparence dans la présentation des résultats de gestion, afin de masquer les niveaux de bénéfice atteints par celui-ci; mais, les délégataires s’efforcent aujourd’hui, sous l’effet de nouvelles dispositions législatives et réglementaires comme sous la pression des associations de consommateurs et des élus eux-mêmes, d’améliorer leur reporting aux autorités délégantes ;

 

4-    pour démontrer qu’en régie, la qualité de maintenance ou de renouvellement des équipements est une priorité de gestion, ce que ne pourrait pas toujours garantir à leurs yeux une délégation de service public dans laquelle l’entreprise délégataire cherche parfois à limiter la charge qui lui incombe en ce domaine pour améliorer ses résultats financiers.

 

 

Un nombre croissant de dirigeants territoriaux auront en conséquence recours à la procédure d’évaluation et de certification en développement durable. Publi-Cert©, dont l’agence de certification Arcet Notation dispose de l’exclusivité des droits de délivrance, sous le contrôle d’un comité scientifique de notation, est une procédure d’évaluation – certification qui offre une vision globale des forces et axes de progrès des gestions de services publics, qu’elles soient en régie ou qu’elles soient déléguées.

 

 Publi-Cert© permet, au-delà d’une certification ISO 14 001 centrée sur le management environnemental, de situer sur une échelle de performance les acquis et perspectives de progrès d’une gestion de service public dans les 4 domaines d’évaluation que sont :

        

-      les mesures environnementales mises en œuvre,

-      la gestion sociale et sociétale de la régie,

-      l’impact de l’activité en régie sur l’économie locale,

-      la gouvernance de la régie.

 

 

Dans le débat, réactivé par les évolutions évoquées ci-dessus issues des renouvellements de conseils municipaux, l’analyse comparée au regard d’indicateurs de développement durable nourrira avec profit la réflexion des élus et celles des associations qui les fédèrent.

 

Ainsi, les agences de notation extra financières apporteront-elles leur contribution à celui-ci et offriront-elles de nouveaux éléments d’appréciation et de nouveaux éléments de comparaison, ce qui va dans le sens de l’intérêt général.

 

Michel VITAL-AÊT

Consultant en développement durable

des organisations et des territoires

au sein d’Arcet Notation

Publié dans Gouvernance

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Y
<br /> <br /> Excellent article ici :<br /> <br /> <br /> http://www.mediapart.fr/journal/france/250810/la-marge-de-laffaire-roland-branquart-lami-le-conseiller-et-le-melange-des-gen<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Remarquable texte : publiez-en ainsi régulèrement<br /> <br /> <br /> <br />
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